Homélie de l' Mgr Jean Claude pour la Messe Chrismale

Écrit par Mgr J. Claude BOUCHARD le .

MESSE CHRISMALE 2017

 

HOMÉLIE

 

Eph 4,7-16

Jn 17,20-26

 

Chers frères et sœurs.

 

Chaque année, quelque temps avant la fête de Pâques, l’évêque, entouré des prêtres et en présence du peuple de Dieu, préside ce que nous appelons la « messe chrismale ». Il s’agit de la bénédiction et de la consécration des huiles saintes qu’on utilisera durant l’année pastorale en cours pour l’onction des catéchumènes, le sacrement des malades, le baptême, la confirmation et l’ordination des prêtres… et des évêques s’il y a lieu ! Cette célébration signifie beaucoup pour une Église.

 

Elle est d’abord le signe de l’unité. Une Église qui ne serait pas unie ne serait pas une Église. Cette unité doit se vivre et se manifester dans tous les domaines et à tous les niveaux. Tout d’abord entre les prêtres, et avec leur évêque. De fait, la célébration que nous faisons aujourd’hui devrait normalement se faire le jeudi saint, le jour où Jésus a institué l’eucharistie, qui est le sacrement par excellence de la communion, et qui est la fête des prêtres qui sont les ministres de l’eucharistie. Mais cette date est impossible pour nous car tous les prêtres restent dans leur paroisse pour la semaine sainte. Il nous faut donc anticiper cette fête mais en respectant le sens et le contenu de la célébration.

Ensuite unité de toute l’Église, entre les baptisés, entre les prêtres et les baptisés. car tous,  baptisés, confirmés, prêtres d’une même Église, avons été marqués par l’huile consacrée, appelé Saint Chrême, lors de notre baptême, de notre  confirmation et de notre ordination. L’onction d’huile, selon la Bible et selon la tradition de l’Église, est signe de la réception du Saint Esprit que tous reçoivent lors de ces sacrements. C’est grâce à l’Esprit que nous avons reçu que nous pouvons chanter « un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père.de tous » (Eph 4,5). Ce sont les versets qui précèdent la parole que nous venons d’entendre dans la première lecture. C’est un Esprit d’unité que nous recevons. Malheureusement, comme au temps de  l’apôtre Paul, il y a souvent des divisions et des manques de collaboration dans l’Église. La fête d’aujourd’hui nous invite donc à réfléchir sur notre vie chrétienne, personnelle et en communauté. Trop de personnes semblent avoir reçu le baptême pour eux-mêmes. Ils ne sont pas intégrés dans l’Église. C’est comme s’ils s’étaient eux-mêmes appelés au baptême, ce qui leur permet de faire ensuite ce qu’ils veulent. Frères et sœurs, quel est ce baptême ? Est-ce le baptême dans l’eau et l’Esprit (Jn 3,6) ?

Bâtir le Corps du Christ dans l’unité

Nous venons d’entendre dans la lettre de Paul aux Éphésiens « qu’à chacun de nous la grâce a été donnée selon la mesure du don fait par le Christ ». C’est par l’Esprit Saint que nous recevons ces dons. Nous formons une seule Église et tous les baptisés reçoivent des dons qu’ils doivent mettre au service des autres membres de l’Église. Cela concerne tous les ministères, mais dans la parole que nous venons d’entendre, l’Apôtre Paul insiste en priorité sur le ministère de la Parole : apôtres, prophètes, évangélisateurs, pasteurs, enseignants… De fait le ministère de la Parole est le ministère principal de l’Église et du prêtre. L’Église naît de la Parole et si on n’annonce pas vraiment la parole de Dieu dans une communauté il ne peut pas y avoir de communauté. Malheureusement les prêtres sont souvent tellement pris par d’autres activités, qui sont bonnes aussi, qu’ils n’ont pas assez de temps à consacrer à la Parole et pour suivre les catéchumènes. Il manque aussi de bons catéchistes dans toutes les paroisses. Ce qui fait que beaucoup de candidats au baptême, en particulier les nombreux jeunes, sont baptisés sans connaître vraiment Jésus et sans savoir ce qu’est l’Église dans laquelle ils vont entrer par le baptême. Que deviennent-ils après avoir été baptisés, d’autant plus que nous n’avons pas le temps non plus de les accompagner ? Il ne faut donc pas s’étonner si ensuite ils ne sont pas fidèles aux exigences de leur baptême. Nous en avons aussi parlé entre prêtres.

Comment sans la parole de Dieu, l’Église parviendra-t-elle à devenir l’Homme parfait, c'est-à-dire à la stature du Christ dans sa plénitude, comme le dit l’apôtre Paul aux Éphésiens ?

« Alors nous ne serons plus des enfants ».

Ce que dit l’apôtre Paul donne à réfléchir. Après avoir rappelé que tous les baptisés sont chargés de bâtir dans l’unité le Corps du Christ, qui est l’Église, il laisse entendre que les Éphésiens ne sont pas des adultes mais sont encore comme des enfants qui se laissent ballotter au gré de toutes les idées et vont à leur perte. Il les invite à vivre dans la vérité de l’amour pour « grandir et s’élever jusqu’à celui qui est la Tête, le Christ », et construire le Corps de l’Église grâce à l’activité répartie à la mesure de chacun, selon le don qu’il a reçu.

Qui donne ces dons ? N’est-ce pas Jésus lui-même ? Comment les recevons-nous, sinon par l’Esprit Saint ? Et selon l’apôtre Paul les ministres de la Parole ont un rôle essentiel à jouer : « mettre les saints (c’est-à-dire les baptisés, comme on les appelait au début de l’Église) en état d’accomplir le ministère pour bâtir le corps du Christ jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à l’unité dans la foi et dans la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’adultes ».

Est-ce que nous aussi, ministres de la Parole, ne devons pas nous demander si nous mettons les baptisés de notre Église en état d’accomplir leur ministère ? Et vous, baptisés, ne devez-vous  pas vous demander si vous avez passé l’âge de l’enfance et si vous êtes parvenus à un certain âge adulte ? Les enfants attendent constamment qu’on pense pour eux, qu’on les guide et il faut les pousser pour les amener à travailler. Rappelez-vous les lettres que j’ai écrites pour vous appeler à devenir une Église adulte et responsable. Je me demande parfois si nous avons le désir de devenir des chrétiens adultes et responsables, membres de communautés qui se prennent en charge pour les ministères, en particulier celui de la parole, et pour le soutien matériel de leur Église. Le pape François insiste pour dire que nous ne devons pas nous contenter de ce que nous sommes mais plutôt nous encourager les uns les autres à progresser.

Il s’agit de l’Église du Christ Jésus et celui qui ne fait rien pour elle ne peut pas prétendre aimer Jésus et être un membre vivant de cette Église.

Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi.

Pour cette célébration, j’ai choisi l’évangile de la prière de Jésus. C’est très beau. Je l’ai choisi parce qu’il parle de l’unité : « Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé ». Jésus prie d’abord pour ses disciples. Mais il dit ensuite : « Je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là mais encore pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi. » Cette prière est donc pour nous tous qui avons cru en Jésus grâce à la Parole qui nous vient des apôtres.

Qu’est-ce que Jésus demande au Père dans sa prière ? « Que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi ». Il y a quatre fois le mot UN dans ce passage d’évangile. Et il ne suffit pas que tous soient un entre eux, mais un avec Jésus et avec le Père. D’ailleurs si nous ne sommes pas un avec Jésus, nous ne pouvons pas être un entre nous.

Pourquoi devons-nous être un ? Simplement pour être bien ensemble ? Non. Le besoin d’unité n’est pas laissé seulement à  notre bon vouloir, il est une obligation pour témoigner de Jésus. Nous devenons comme les témoins que Jésus est envoyé par la Père, qu’il est Fils de Dieu. Si au contraire il n’y a pas d’unité entre nous, nous devenons des obstacles à l’annonce de l’Évangile. C’est grave. Comment allons-nous oser dire aux autres que nous avons reçu la Bonne Nouvelle ?

Cette unité dans la communauté vaut en premier lieu pour les membres des équipes apostoliques : entre les prêtres eux-mêmes. Nous prêchons l’unité, nous faisons des homélies, par exemple sur l’évangile d’aujourd’hui, mais qui va nous prendre au sérieux s’il n’y a pas l’amour et la collaboration entre nous ? C’est la même chose pour les communautés religieuses : comment faire naître des vocations chez les jeunes, garçons et filles, si nos communautés ne sont pas évangéliques ?

L’unité doit aussi exister entre les prêtres et les fidèles laïcs. Il n’y a qu’un seul peuple de Dieu, dont les laïcs sont membres à part entière. C’était le thème principal de notre presbyterium. Nous avons réfléchi ensemble sur une parole importante du pape François lors du dernier synode des évêques à Rome il y a deux ans. Il a parlé de l’Église. En résumé, dit le pape François : L’Église doit être synodale, ou bien elle n’est pas vraiment Église. « Synodale » vient du mot synode qui veut dire « marcher ensemble ». C’est comme si nous étions en synode de façon permanente.

Nous savons ce qu’est un synode car nous en avons vécu un dans notre diocèse.  Les plus anciens parmi les baptisés s’en souviennent. Nous avions beaucoup prié et travaillé et nous nous étions donné des orientations pastorales qui sont rassemblées dans le Projet Pastoral Diocésain. Notre synode est-il une chose du passé ? Lors de notre jubilé diocésain des 50 ans, nous avons aussi chanté : Église de Pala, peuple de Dieu en marche. S’agit-il seulement de belles paroles ou bien est-ce une réalité ? Est-ce que notre Église correspond à cela, sommes-nous vraiment un peuple de Dieu en marche ?

Dans nos échanges en presbyterium, nous avons constaté que beaucoup de baptisés regardent l’Église seulement dans son aspect humain, et non spirituel, ou même comme une association dont on profite matériellement sans nous engager. Nous devrions méditer sur ce que l’apôtre Pierre écrit dans sa 1ère lettre : « mais vous, vous êtes la race élue, une communauté de rois et de prêtres, la nation sainte, le peuple que Dieu s’est choisi. C’est ça l’Église, frères et sœurs. C’est ça que nous devrions être.

L’Église est divine et humaine.

L’Église vient de Dieu, elle nous a été donnée dans la mort et la résurrection du Seigneur Jésus. Mais il faut aussi la construire. C’est la mission confiée à tous les baptisés. Je crois que cela n’est pas bien compris par nos baptisés et que nous avons encore de grands efforts à faire. Lors de notre récollection, le premier jour de notre rencontre presbytérale, nous avons dit que notre Église de Pala était à un tournant. Cela veut dire qu’il faut opérer des changements en profondeur. Nous ne marchons pas assez ensemble : entre prêtres, religieux et religieuses, et surtout entre prêtres et fidèles laïcs. Le pape François insiste beaucoup pour dénoncer une certaine séparation entre les fidèles et les prêtres. Les prêtres travaillent trop tout seuls et les fidèles attendent souvent tout des prêtres. Cette façon de faire dans l’Église s’appelle le cléricalisme. Elle ne correspond pas à la nature de Église, et n’a plus d’avenir, qu’on le veuille ou non. L’Église c’est d’abord le peuple de Dieu, composé de tous les baptisés, dont les prêtres font aussi partie. Ils ne sont pas à part parce que prêtres. C’est tous ensemble que nous devons vivre l’Évangile et l’annoncer.

Pour cela, comme dit l’apôtre Paul, chacun des baptisés a reçu des dons qu’il doit faire fructifier et mettre au service de la communauté et de toute l’Église. C’est cela marcher ensemble.

Comment faire en sorte que notre Église soit plus synodale ? Nous devons nous attaquer tous ensemble, et sans tarder, à relever ce défi.  Je compte aussi écrire une lettre pastorale. Amen.

Jean-Claude Bouchard