« L'auto-prise en charge et l'avenir de l’Eglise en Afrique »

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Notre évêque présidant la messe à Accra (Ghana)Ce titre se réfère au thème que le SCEAM (Symposium des Conférences Épiscopales d’Afrique et de Madagascar) s’était choisi pour sa dernière Assemblée générale qui s’est tenue du 27 juillet au 1er août derniers à Accra (Ghana) où se situe le siège du SCEAM. Cette Assemblée correspondait aussi, à une année près, au 40ème anniversaire de la fondation du SCEAM en 1969. J’y ai participé en tant que président de la CET avec l’évêque de Moundou et le Secrétaire général de la CET.

Cette assemblée du Symposium avait pour but de faire le point, après quarante ans, sur le fonctionnement du SCEAM et de souligner la nécessité pour l’Église qui est en Afrique de se prendre en charge si elle veut assurer son avenir et remplir sa mission avec le dynamisme et l’organisation que requiert le monde d’aujourd’hui. La vie et l’efficacité du SCEAM lui-même sont évidemment liées en grande partie à cette auto-prise en charge de l’Église.

Force a été de constater, à la réunion d’Accra, que le SCEAM ne se porte pas bien. Tout en reconnaissant que cette organisation continentale, qui rassemble périodiquement l’Église de tous les pays d’Afrique, est unique, et donc irremplaçable, les participants ont dû reconnaître que son efficacité était limitée, sinon que son existence même était menacée dans la durabilité, à cause du manque d’intérêt et d’engagement des Églises qui en font partie. Un signe de cette désaffection : les Églises d’Afrique ne paient pas régulièrement les cotisations fixées qui sont pourtant nécessaires pour la vie et le fonctionnement du SCEAM. Ce qui s’est passé l’an dernier est révélateur : la présente assemblée du SCEAM devait avoir lieu à Rome juste avant le synode pour l’Afrique, et n’a pas eu lieu. Pourquoi ? Parce que, pour défrayer les coûts de cette réunion, on comptait trop sur l’aide de Rome et de l’Église d’Europe, aide qui n’est pas venue, du moins pas suffisamment. Pour la réunion de cette année, chaque Conférence épiscopale a pris en charge les frais de voyage et de pension de ses délégués ! De plus, dans les résolutions, il est demandé aux Églises « d’assurer le fonctionnement durable du SCEAM, en visant à l’autonomie par le paiement des cotisations et une meilleure gestion ».

Il a été beaucoup question évidemment de « comment promouvoir la capacité de l’Église en Afrique à se prendre en charge à tous les niveaux » : les Églises locales, les Conférences épiscopales, les Associations régionales de Conférences. Cela représente un grand défi tellement nos Églises sont habituées depuis toujours à être soutenues de l’extérieur. Il n’est pas interdit de se faire aider mais cela ne doit être qu’en complément aux efforts internes.

C’est vrai que la pauvreté existe dans nos pays, mais les richesses existent aussi. Cela a été souligné très fort tout au long de la réunion. À force de s’apitoyer sur la pauvreté de l’Afrique dans

tous les medias du monde, on a fini par convaincre les gens qu’ils sont incapables de produire les ressources nécessaires au développement et à la bonne marche de leur pays. Les Africains doivent se convaincre que la principale richesse du continent africain, ce sont les habitants eux-mêmes (1 milliard) et que les principales causes de la pauvreté sont le mauvais partage des richesses, la mauvaise gestion et le manque d’initiative pour produire des richesses. Cela est valable pour toute la société et donc pour l’Église. Une certaine théologie a aussi été pointée du doigt : comment les chrétiens comprennent-ils la parole « heureux les pauvres », est-ce un encouragement à rester dans sa pauvreté ?

Je clos ce bref compte-rendu de l’Assemblée du SCEAM en soulignant que les efforts de notre Église de Pala pour ce qu’on appelle la « prise en charge » ne sont pas isolés mais rejoignent une priorité de toute l’Église qui est en Afrique. J’insiste encore une fois auprès de tout le personnel pour que l’importance qui convient soit donnée, dans les communautés et les paroisses, à cet aspect du travail pastoral. Je viens d’écrire une lettre circulaire sur la « bonne gestion de notre Église » ; que cette lettre soit traduite, lue, commentée, car elle résume ce que nous avons dit dans le passé. Mais parler n’est pas suffisant, il faut s’organiser. Il y a des négligences, sinon des réticences, dans ce domaine chez certains pasteurs, missionnaires ou diocésains. Ils ont l’impression d’étrangler les pauvres par des exigences trop fortes. Mais faut-il empêcher les fidèles chrétiens d’Afrique de vivre dignement et de façon responsable leur vocation d’êtres humains et de chrétiens ? C’est ça d’abord la prise en charge.

Mon séjour au Ghana avait été précédé d’une visite au Burundi, où j’ai séjourné du 14 au 24 juillet, dont la moitié du temps dans le diocèse de Gitega d’où proviennent les sœurs Bene-Tereziya et les trois prêtres chargés de la région de Gounou-Gan/Holom. Pendant mon séjour à Gitega j’ai eu la grâce, si je peux dire, de participer à une ordination diaconale et presbytérale. Vous trouverez dans ce bulletin le contenu de l’intervention que j’ai faite à la fin de la célébration, à la demande de Mgr Simon Ntamwana qui est largement ouvert à la mission. Merci à lui ! Il viendra nous visiter en 2011, si Dieu le veut.

Le but de mon voyage au Burundi n’était pas seulement ni d’abord de « chercher du personnel » comme on le dit, même si ce n’était pas exclu on s’en doute, mais de faire une visite à une Église sœur. On parle beaucoup de communion entre les Églises et de collégialité entre les évêques, ne faut-il pas les manifester ? J’ai pu visiter quatre diocèses, plusieurs congrégations religieuses, partager avec plusieurs évêques et prêtres. Par-tout j’ai été accueilli avec beaucoup de fraternité, d’amitié et une grande chaleur humaine (les accolades au Burundi c’est du sérieux !). En retour j’ai essayé de partager en toute simplicité ma propre expérience missionnaire et d’éveiller l’esprit missionnaire de cette Église qui a beaucoup reçu, comme je l’ai dit, et à qui le Seigneur demande maintenant de donner à son tour.

En ce temps de reprise pastorale, je souhaite à tous et à toutes beaucoup de courage pour continuer à annoncer l’Évangile dans des conditions parfois difficiles. Mettons-nous ensemble à l’écoute de l’Esprit pour trouver lumière et force dans cette tâche qui nous est confiée.

Jean-Claude