LE MOT DE L'EVEQUE: Un regard vers l’avenir

Écrit par Guinaga Joseph le .

MOT DE L’ÉVÊQUE

Un regard vers l’avenir

 

L

e dernier numéro de notre Bulletin Diocésain « Église de Pala » fut le numéro 162, de juillet 2015, un numéro spécial sur le Jubilé des 50 ans que notre Église venait de vivre, intitulé « Église de Pala, peuple de Dieu en marche. » Cela fait donc trois ans que « l’Église de  Pala » ne parait plus, au grand dam semble-t-il des lecteurs assidus qu’étaient beaucoup d’anciens missionnaires du diocèse de Pala : prêtres, sœurs, laïcs. La preuve, s’il en était besoin, qu’on appréciait cette publication c’est qu’on la réclame jusqu’à aujourd’hui.

 

À la suite de ce désir exprimé par les anciens, nous nous sommes demandé ici à Pala quelle serait la façon la plus simple et la plus économique de répondre à ce désir. Tout bien pesé, il nous a semblé qu’il était possible de procéder à l’avenir par courrier électronique. Vous trouverez une note à ce sujet à la fin du présent bulletin qui sera le dernier expédié par la poste.

Mais comment remettre en route cette publication après un si long silence ? J’ai pensé qu’il convenait de prendre comme point de départ la postface du numéro spécial sur le Jubilé :

« Il reste un dernier point : le regard vers l’avenir. Qu’allons-nous faire de ce jubilé ? Nous contenter de dire : « ce fut une belle réalisation et une belle expérience d’Église » et retourner à nos habitudes ? Ce serait dommage. L’Esprit nous appelle constamment à un renouveau : « Voici que je fais toutes choses nouvelles » (Ap. 21,5). C’est vrai que changer est toujours difficile, pour les chrétiens mais aussi pour les bergers. On ne connaît parfois qu’un seul pâturage, le sien ! On se complaît facilement dans l’uniformité et la routine qui ne peuvent que produire la médiocrité. Or l’Évangile n’aime pas la médiocrité. Le pape François ne l’aime pas non plus qui appelle constamment à « sortir » : sortir de soi-même, sortir des sentiers battus, « aller » aux périphéries comme il dit toujours. « Sortir «  est très évangélique : « car c’est pour cela que je suis sorti » (Mc 1,38).

À ces lignes j’ajoute un extrait de mon homélie de la messe de clôture du Jubilé : 

« À la fin de cette année jubilaire, si je devais résumer les cinquante ans passés de notre Église de Pala, je dirais aux pasteurs et aux baptisés que durant les cinquante ans écoulés, nous avons construit une Église en nombre et en étendue, mais que le travail qui nous attend pour les cinquante ans à venir c’est d’approfondir la parole de Dieu et de construire l’Église en profondeur et sur des bases solides. »

 

Sommes-nous fidèles à ce programme de vie ? Je répondrais oui, du moins en désir, même si les résultats ne sont peut-être pas à la hauteur de ce que nous pourrions attendre et que les défis que nous avons à relever sont de plus en plus complexes dû entre autres au contexte socio-politique du pays. Nous devons annoncer une Bonne Nouvelle, mais on dirait que ceux et celles qui la reçoivent ne savent pas où la situer et quoi en faire parmi les maux qui minent la société et le pays ! Ce sera vrai en particulier chez les jeunes qui se sentent abandonnés car les adultes ne croient plus à l’avenir, excepté ceux qui profitent du chaos qui existe dans le pays pour s’enrichir. Et pourtant les chrétiens viennent en masse à l’église et les jeunes sont de plus en plus nombreux à rechercher le baptême. Tellement que le personnel des communautés et des paroisses est à beaucoup d’endroits submergé. Dans les vieilles Églises on se plaint que les jeunes ne mettent pas pied à l’Église alors que chez nous c’est le contraire, du moins jusqu’à la réception du baptême. On peut alors se poser la question : pourquoi les jeunes viennent-ils en masse à l’Église ? Que cherchent-ils ? Il faudrait faire une étude sociologique à ce sujet mais nous n’en avons pas les moyens, par contre un dialogue est possible et nécessaire avec les jeunes.

 

Je dirais qu’ils cherchent une identité religieuse qu’ils ne peuvent pas trouver dans la religion de leurs parents, que nous appelons « religion traditionnelle ». Ils risquent donc de se trouver « sans religion » s’ils ne deviennent ni chrétiens ni musulmans car  la « religion traditionnelle » est en train, sinon de disparaître du moins de perdre son sens profond. Aujourd’hui un jeune Tchadien de notre région doit se dire qu’il faut être chrétien ou musulman et, comme il n’a pas envie d’aller chez les Musulmans qu’il considère les exploiteurs du pays, il vient chez les chrétiens, catholiques ou protestants. Certains vont cependant à l’Islam pour des motifs économiques ou politiques.

 

Certainement aussi que beaucoup de jeunes voient dans l’Église la seule « institution sérieuse » à laquelle se rattacher, qui peut aussi leur fournir une sorte de nouvelle famille où règne une ambiance de vie, même de joie lors des célébrations, et qui peut aussi leur apporter une aide appréciable, par exemple pour l’école.  Beaucoup de leurs parents ont profité de l’Église autrefois pour se scolariser. Beaucoup de Musulmans fréquentent actuellement les écoles catholiques car c’est là qu’ils trouvent le meilleur niveau.

 

Mais un gros défi se pose à nous devant cette situation : comment accueillir ces jeunes qui viennent à l’Église par milliers et leur apporter ce pourquoi nous sommes là en priorité, c’est-à-dire l’Évangile ?  Comme l’a souvent dit le pape François l’Église ne doit pas se contenter d’être une institution sociale, encore moins une ONG, mais elle doit apporter au monde la Bonne Nouvelle. C’est facile à dire mais difficile à réaliser tellement les choses changent vite dans le monde d’aujourd’hui, même au Tchad.

 

Dans « Evangelii Gaudium », le pape François écrit : « L’évangélisation est la tâche de l’Église. Mais ce sujet de l’évangélisation est bien plus qu’une institution organique et hiérarchique, car avant tout c’est un peuple qui est en marche vers Dieu. Il s’agit certainement d’un mystère qui plonge ses racines dans la Trinité, mais qui a son caractère concret historique dans un peuple pèlerin et évangélisateur ». (EG 111)

 

Cette parole du pape nous rappelle notre jubilé : « Église de Pala, peuple de Dieu en marche ». Comment faire pour que notre Église soit ou devienne « un peuple pèlerin et évangélisateur » ? Dans le diocèse de Pala nous nous sommes redit que pour être évangélisateur, il fallait être évangélisé, et que pour cela il fallait dès le départ mettre les jeunes au contact de l’Évangile. Cela exigeait de réorganiser le catéchuménat. Pour cela, j’ai d’abord écrit une lettre pastorale sur le catéchuménat, prenant comme source la pratique des premiers siècles de l’Église recouvrée par le Concile Vatican II. À partir de ma lettre, nous avons organisé du 24 au 27 avril derniers une Assemblée diocésaine à laquelle ont participé beaucoup de prêtres, de sœurs et de laïcs.

 

Cette assemblée avait d’abord comme objectif de nous convaincre, nous pasteurs, de l’importance du temps du catéchuménat : « Le catéchuménat n’est point un simple exposé des dogmes et des préceptes, mais une formation à la vie chrétienne intégrale et un apprentissage par lesquels les disciples sont unis au Christ leur Maître » (Ad Gentes no 14). Cette affirmation contient une double exigence : d’abord renouveler la catéchèse qui doit être conçue comme parole de Dieu vivante et permanente qui engendre (1P 1,22) déjà avant le baptême, et ensuite réorganiser le temps du catéchuménat dans les paroisses afin de permettre aux communautés d’accompagner les catéchumènes pour leur permettre de faire cet apprentissage de la vie chrétienne. Le catéchuménat est un temps « d’initiation » chrétienne mais nous ne savons pas ou plus à l’Église en quoi consiste une vraie initiation. Nous devrions nous inspirer du sens profond de l’initiation traditionnelle qui marque un passage de l’enfance ou de l’adolescence  à l’âge adulte, caractérisé par la capacité de s’assumer et de supporter les épreuves. Nous avons du pain sur la planche. Faisons en sorte que notre Assemblée diocésaine n’ait pas été du temps perdu. Le travail est maintenant au niveau des paroisses et des zones pastorales.

 

J’arrête là ce texte déjà long en  laissant à d’autres le soin de compléter ce bulletin qui veut renaître. Mais non sans souhaiter à ceux et celles qui le liront un Joyeux Noël et une Bonne et Heureuse Année 2019. Que le Seigneur vous bénisse.

 

†  Jean-Claude Bouchard